Impact et évolution de l'enveloppe virale du VIH-1 dans la résistance aux inhibiteurs d'entrée. (Doctoral thesis)
Le virus de l’immunodéficience humaine de type 1 (VIH-1) est l’agent étiologique du SIDA. Il pénètre dans les cellules cibles par fusion membranaire médiée par le complexe enveloppe (Env) exprimé à la surface du virion. Le complexe est constitué d’une sous-unité de surface (gp120), et d’une sous-unité transmembranaire (gp41), exprimées sous forme trimérique. La liaison de gp120 au récepteur CD4 induit un premier changement de conformation qui expose la boucle hypervariable V3. Cette dernière lie un corécepteur, CCR5 et/ou CXCR4, induisant de nouveaux changements conformationnels au niveau de gp41 qui aboutissent à l’insertion du peptide de fusion, situé à l’extrémité N-terminale de gp41, dans la membrane de la cellule cible. Suite à la liaison du corécepteur, la région « heptad repeat 1 » (HR1) de gp41 interagit avec la région « heptad repeat 2 » (HR2) du même monomère pour former une structure coiled-coil hexamérique. Ce repliement permet le rapprochement des membranes virale et cellulaire, conduisant à la fusion des membranes.
Le processus d’entrée constitue une cible de choix pour inhiber la propagation du virus et à l’heure actuelle, il existe deux classes d’inhibiteurs d’entrée utilisés en clinique : les inhibiteurs de fusion et les inhibiteurs du CCR5. Le but de ce travail de thèse est l’étude des déterminants de l’enveloppe virale impliqués dans l’échappement du VIH-1 au traitement avec des inhibiteurs de fusion et de l’entrée.
La première partie de ce travail de thèse a étudiée l’effet modulateur des déterminants de l’enveloppe virale sur le niveau de résistance et de l’infectivité des virus primaires porteurs de mutations de résistance à l’enfuvirtide dans HR1 et de mutations compensatrices dans HR2. Nous avons sélectionné 5 patients ayant reçu un traitement à long terme incluant de l’enfuvirtide. Les enveloppes de virus ont été clonées à partir d’échantillons plasmatiques séquentiels, prélevés avant le début du traitement et pendant le suivi du traitement à l’enfuvirtide. Les séquences ont été caractérisées génotypiquement et phénotypiquement à l’aide de tests viraux recombinants mis au point à cet effet, et ciblant soit la région HR1-HR2, soit l’enveloppe entière. Pour les échantillons pré-thérapeutiques, les virus recombinants Env exprimaient des taux de sensibilité à l’enfuvirtide plus variables que les virus recombinants HR1-HR2, et une sensibilité à l’enfuvirtide significativement moindre que les virus HR1-HR2, indiquant que le contexte génétique de l’enveloppe affecte directement le niveau de susceptibilité du virus envers l’enfuvirtide. Après échec virologique, l’analyse phénotypique comparative des virus résistants suggère que les régions HR1-HR2 contiennent, à elles seules, les déterminants qui régissent la résistance. Le seul facteur associé à une modulation significative de la résistance est le tropisme. L’infectivité des virus Env a augmenté au cours du temps, alors que pour les virus HR1-HR2, l’infectivité est restée stable. Nos résultats suggèrent donc que le niveau de résistance confère un avantage sélectif initial sous pression sélective par l’enfuvirtide, alors que, une fois le niveau de résistance optimisé, l’infectivité des virus résistants est le facteur qui détermine la sélection des virus sous pression de sélection prolongée.
La deuxième partie de notre travail a été consacrée au rôle des virus dans des sites sanctuaires tels que le système nerveux central, et au rôle de séquences archivées dans les PBMCs dans l’échappement aux inhibiteurs d’entrée.
Dans une première étude clinique, nous avons illustré le rôle direct de la suppression incomplète du virus dans le système nerveux central dans l’acquisition de mutations de résistance à l’enfuvirtide et dans l’échec virologique. Le génotypage des virus plasmatiques et des virus isolés du liquide céphalo-rachidien d’un patient en échec de traitement a montré que la mutation de résistance à l’enfuvirtide était apparue dans le liquide céphalo-rachidien avant qu’elle ne devienne détectable dans le plasma, au moment de l’échec virologique. Le virus plasmatique résistant était phylogénétiquement proche du virus résistant isolé à partir du LCR, suggérant que la mutation de résistance a émergé dans ce compartiment. Ainsi, la pénétration incomplète des antirétroviraux dans le système nerveux central a abouti à la sélection de virus résistants, qui ont ensuite traversé la barrière céphalo-rachidienne pour atteindre la circulation périphérique.
Dans une seconde étude clinique, la caractérisation génotypique et phénotypique du tropisme de virus plasmatiques et cellulaires de deux patients en échec de traitement par du maraviroc ainsi que l’analyse phylogénétique rétrospective nous a permis de mettre en évidence l’importance de la recombinaison génétique dans la diversification des populations virales et son importance dans l’échec thérapeutique au maraviroc par l’émergence de virus X4. Par cette étude nous avons également pu souligner l’importance de l’administration iatrogène d’interleukine-2 sur la distribution et la modulation des populations X4 et R5 au niveau des compartiments cellulaires et plasmatiques et son importance dans l’échec thérapeutique au maraviroc.
En conclusions, nos résultats ont permis de mettre en évidence le pouvoir adaptatif du VIH-1 dans l’échappement au traitement aux inhibiteurs de l’entrée ainsi que le rôle majeur des sites sanctuaires et des virus archivés.